Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dies, ces mêmes coutumes qui font aujourd’hui donner le nom de Barbarie à la côte d’Afrique opposée à l’Europe.

Le principe de cet ancien droit de la guerre fut le caractère inhospitalier des peuples héroïques, que nous avons observé plus haut. Les étrangers étaient à leurs yeux d’éternels ennemis, et ils faisaient consister l’honneur de leurs empires à les tenir le plus éloignés qu’il était possible de leur frontière ; c’est ce que Tacite nous rapporte des Suèves, le peuple le plus fameux de l’ancienne Germanie. Un passage précieux de Thucydide prouve que les étrangers étaient considérés comme des brigands. Jusqu’à son temps[1], les voyageurs qui se rencontraient sur terre ou sur mer, se demandaient réciproquement s’ils n’étaient point des brigands ou des pirates, en prenant sans doute ce mot dans le sens d’étrangers. Nous retrouvons cette coutume chez toutes les nations barbares, au nombre desquelles on est forcé de compter les Romains, lorsqu’on lit ces deux passages curieux de la loi des Douze Tables : Adversus hostem æterna auctoritas esto. — Si status dies sit, cum hoste venito[2]. Les peuples civilisés eux-mêmes n’admettent d’étrangers que ceux qui ont obtenu une permission expresse d’habiter parmi eux.

Les cités, selon Platon, eurent en quelque sorte dans la

  1. Οὐϰ ἔχοντός πω αἰσχυνην τούτου τοῦ ἔργου (τοῦ ἁρπάζειν), φέροντος δέ τι ϰαὶ δόξης μᾶλλον. Δηλοῦσι δέ τῶν τε ἠπειρωτῶν τινὲς ἔτι ϰαὶ νῦν, οἷς ϰόσμος ϰαλῶς τοῦτο δρᾶν, ϰαὶ οἱ παλαιοὶ τῶν ποιητῶν τὰς πύστεις τῶν ϰαταπλεόντων πανταχοῦ ὁμοίως ἐρωτῶντες εἰ λῃσταί εἰσιν· ὡς οὔτε ὧν πυνθάνονται ἀπαξιούντων τὸ ἔργον, οἶς τ’ ἐπιμελὲς εἴη εἰδέναι, οὐϰ ὀνειδιζόντων.
  2. On prend ordinairement dans ce passage le mot hostis dans le sens de l’adverse partie ; mais Cicéron observe précisément à ce sujet que hostis était pris par les anciens Latins dans le sens de peregrinus. (Vico.)