Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’après tout ce qu’on vient de dire, le droit des Quirites ou Curètes dut être le droit naturel des gens ou nations héroïques de l’Italie. Les Romains, pour distinguer leur droit de celui des autres peuples, l’appelèrent jus Quiritum romanum. Si cette dénomination avait eu pour origine la convention des Sabins et des Romains, si les seconds eussent tiré leur nom de Cure, capitale des premiers, ce nom eût été Cureti et non Quirites ; et si cette capitale des Sabins se fût appelée Cere, comme le veulent les grammairiens latins, le mot dérivé eût été Cerites, expression qui désignait les citoyens condamnés par les censeurs à porter les charges publiques sans participer aux honneurs.

Ainsi les premières cités n’eurent pour citoyens que des nobles qui les gouvernaient. Mais ils n’auraient eu personne à qui commander, si l’intérêt commun ne les eût décidés à satisfaire leurs clients révoltés, et à leur accorder la première loi agraire qu’il y ait eu au monde. Afin de ne sacrifier que le moins possible de leurs privilèges, les héros ne leur accordèrent que le domaine bonitaire des champs qu’ils leur assignaient. C’est une loi du droit naturel des gens, que le domaine suit la puissance. Or, les serviteurs ne jouissant d’abord de la vie que d’une manière précaire dans les asiles ouverts par les héros, il était conforme au droit et à la raison qu’ils eussent aussi un domaine précaire, et qu’ils en jouissent tant qu’il plairait aux héros de leur conserver la possession des champs qu’ils leur avaient assignés. Ainsi les serviteurs devinrent les premiers plébéiens (plebs) des cités héroïques, où ils n’avaient aucun privilège de citoyen. Lorsque Achille se voit enlever Briséis par Agamemnon, c’est, dit-il, un outrage