Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monarchies, les intérêts publics n’occupent les esprits qu’à propos des intérêts privés ; d’ailleurs, les mœurs s’adoucissant, les affections particulières en prennent d’autant plus de force, et remplacent le patriotisme.

Sous les gouvernements humains, l’égalité que la nature a mise entre les hommes en leur donnant l’intelligence, caractère essentiel de l’humanité, est consacrée dans l’égalité civile et politique. Les citoyens sont dès lors égaux, d’abord comme souverains de la cité, ensuite comme sujets d’un monarque qui, distingué seul entre tous, leur dicte les mêmes lois.

Dans les républiques populaires bien ordonnées, la seule inégalité qui subsiste est déterminée par le cens. Dieu veut qu’il en soit ainsi pour donner l’avantage à l’économie sur la prodigalité, à l’industrie et à la prévoyance sur l’indolence et la paresse. — Le peuple pris en général veut la justice ; lorsqu’il entre ainsi dans le gouvernement, il fait des lois justes, c’est-à-dire généralement bonnes.

Mais peu à peu les États populaires se corrompent. Les riches ne considèrent plus leur fortune comme un moyen de supériorité légale, mais comme un moyen de tyrannie ; le peuple, qui sous les gouvernements héroïques ne réclamait que l’égalité, veut maintenant dominer à son tour ; il ne manque pas de chefs ambitieux qui lui présentent des lois populaires, des lois qui tendent à enrichir les pauvres. Les querelles ne sont plus légales ; elles se décident par la force. De là des guerres civiles au dedans, des guerres injustes au dehors. Les puissances s’élèvent dans le désordre ; et l’anarchie, la pire des tyrannies, force le peuple de se réfugier dans la domination d’un seul. Ainsi le besoin