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héros, muette et articulée par un mélange égal, et composée par conséquent de paroles vulgaires et de caractères héroïques, avec lesquels écrivaient les héros (sèmata dans Homère) ; la langue des hommes n’eut presque rien de muet, et fut à peu près entièrement articulée. Point de langue vulgaire qui ait autant d’expressions que de choses à exprimer. — Une conséquence nécessaire de tout ceci, c’est que, dans l’origine, la langue héroïque fut extrêmement confuse, cause essentielle de l’obscurité des fables.


La langue articulée commença par l’onomatopée, au moyen de laquelle nous voyons toujours les enfants se faire très bien entendre. Les premières paroles humaines furent ensuite les interjections, ces mots qui échappent dans le premier mouvement des passions violentes, et qui dans toutes les langues sont monosyllabiques. Puis vinrent les pronoms. L’interjection soulage la passion de celui à qui elle échappe, et elle échappe lors même qu’on est seul ; mais les pronoms nous servent à communiquer aux autres nos idées et les choses dont les noms propres sont inconnus ou à nous ou à ceux qui nous écoutent. La plupart des pronoms sont des monosyllabes dans presque toutes les langues. On inventa alors les particules, dont les prépositions, également monosyllabiques, sont une espèce nombreuse. Peu à peu se formèrent les noms, presque tous monosyllabiques dans l’origine. On le voit dans l’allemand, qui est une langue mère, parce que l’Allemagne n’a jamais été occupée par des conquérants étrangers. Dans cette langue, toutes les racines sont des monosyllabes.