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de l’origine des langues et des lettres. Il y a autant d’opinions sur ce sujet difficile qu’on peut compter de savants qui en ont traité. La difficulté vient d’une erreur dans laquelle ils sont tous tombés : ils ont regardé comme choses distinctes, l’origine des langues et celles des lettres, que la nature a unies. Pour être frappé de cette union, il suffisait de remarquer l’étymologie commune de grammatikè, grammaire, et de grammata, lettres, caractères (grafô, écrire) ; de sorte que la grammaire, qu’on définit l’art de parler, devrait être définie l’art d’écrire, comme l’appelle Aristote. — D’un autre côté, caractères signifie idées, formes, modèles ; et certainement les caractères poétiques précédèrent ceux de sons articulés. Josèphe soutient, contre Appion, qu’au temps d’Homère les lettres vulgaires n’étaient pas encore inventées. — Enfin, si les lettres avaient été dans l’origine des figures de sons articulés et non des signes arbitraires[1], elles devraient être uniformes chez toutes les nations, comme les sons articulés. Ceux qui désespéraient de trouver cette origine, devaient toujours ignorer que les premières nations ont pensé au moyen des symboles ou caractères poétiques, ont parlé en employant pour signes les fables, ont écrit en hiéroglyphes, principes certains qui doivent guider la philosophie dans l’étude des idées humaines, comme la philologie dans l’étude des paroles humaines.

Avant de rechercher l’origine des langues et des lettres, les philosophes et les philologues devaient se représenter les premiers hommes du paganisme comme

  1. Vico semble adopter une opinion très différente quelques pages plus loin. (N. du Trad.)