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l’abus avant qu’il se fût introduit, c’eût été le faire connaître, et comme l’enseigner. Or, il ne put s’introduire à Rome qu’après les guerres contre Tarente et Pyrrhus, dans lesquelles les Romains commencèrent à se mêler aux Grecs. Cicéron observe que la loi est exprimée en latin, dans les mêmes termes où elle fut conçue à Athènes.

4. Cette découverte des caractères poétiques nous prouve qu’Ésope doit être placé dans l’ordre chronologique bien avant les sept sages de la Grèce. Les sept sages furent admirés pour avoir commencé à donner des préceptes de morale et de politique en forme de maximes, comme le fameux Connaissez-vous vous-même ; mais, auparavant, Ésope avait donné de tels préceptes en forme de comparaisons et d’exemples, exemples dont les poètes avaient emprunté le langage à une époque plus reculée encore. En effet, dans l’ordre des idées humaines, on observe les choses semblables pour les employer d’abord comme signes, ensuite comme preuves. On prouve d’abord par l’exemple, auquel une chose semblable suffit, et finalement par l’induction, pour laquelle il en faut plusieurs. Socrate, père de toutes les sectes philosophiques, introduisit la dialectique par l’induction, et Aristote la compléta avec le syllogisme, qui ne peut prouver qu’au moyen d’une idée générale. Mais pour les esprits peu étendus encore, il suffit de leur présenter une ressemblance pour les persuader : Ménénius Agrippa n’eut besoin, pour ramener le peuple romain à l’obéissance, que de lui conter une fable dans le genre de celles d’Ésope.

Le petit peuple des cités héroïques se nourrissait de ces préceptes politiques dictés par la raison naturelle :