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matière. Cette figure, mêlée de métonymie et de synecdoque, tertia messis erat, c’était la troisième moisson, fut, sans aucun doute, employée d’abord naturellement et par nécessité ; il fallait plus de mille ans pour que le terme astronomique année put être inventé. Dans le pays de Florence on dit toujours, pour désigner un espace de dix ans, nous avons moissonné dix fois. — Ce vers, où se trouvent réunies une métonymie et deux synecdoques :

Post aliquot mea regna videns mirabor aristas,


n’accuse que trop l’impuissance d’expression qui caractérisa les premiers âges. Pour dire tant d’années, on disait tant d’épis, ce qui est encore plus particulier que moissons. L’expression n’indiquait que l’indigence des langues, et les grammairiens y ont cru voir l’effort de l’art.

4. L’ironie ne peut certainement prendre naissance que dans les temps où l’on réfléchit. En effet, elle consiste dans un mensonge réfléchi qui prend le masque de la vérité. Ici nous apparaît un grand principe qui confirme notre découverte de l’origine de la poésie ; c’est que les premiers hommes des nations païennes ayant eu la simplicité, l’ingénuité de l’enfance, les premières fables ne purent contenir rien de faux, et furent nécessairement, comme elles ont été définies, des récits véritables.

5. Par toutes ces raisons, il reste démontré que les tropes, qui se réduisent tous aux quatre espèces que nous avons nommées, ne sont point, comme on l’avait cru jusqu’ici, l’ingénieuse invention des écrivains,