sans prendre la Providence pour principe[1]. — Pour nous, persuadés que l’idée du droit et l’idée d’une Providence naquirent en même temps, nous commençons à parler du droit en parlant de ce moment où les premiers auteurs des nations conçurent l’idée de Jupi-
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Nous rapprocherons de ce passage celui qui y correspond dans la première édition : Grotius prétend que son système peut se passer de l’idée
de la Providence. Cependant sans religion les hommes ne seraient pas réunis
en nations… Point de physique sans mathématique, point de morale ni de
politique sans métaphysique, c’est-à-dire sans démonstration de Dieu. — Il
suppose le premier homme bon parce qu’il n’était pas mauvais. Il compose
le genre humain à sa naissance d’hommes simples et débonnaires, qui
auraient été poussés par l’intérêt à la vie sociale ; c’est dans le fait l’hypothèse
d’Épicure.
Puis vient Selden, qui appuie son système sur le petit nombre des lois que Dieu dicta aux enfants de Noë. Mais Sem fut le seul qui persévéra dans la religion du Dieu d’Adam. Loin de fonder un droit commun à ses descendants et à ceux de Cham et de Japhet, on pourrait dire plutôt qu’il fonda un droit exclusif, qui fit plus tard distinguer les Juifs des Gentils…
Puffendorf, en jetant l’homme dans le monde sans secours de la Providence, hasarde une hypothèse digne d’Épicure, ou plutôt de Hobbes…
Écartant ainsi la Providence, ils ne pouvaient découvrir les sources de tout ce qui a rapport à l’économie du droit naturel des gens, ni celles des religions, des langues et des lois, ni celles de la paix et de la guerre, des traités, etc. De là deux erreurs capitales.
1o D’abord ils croient que leur droit naturel, fondé sur les théories des philosophes, des théologiens, et sur quelques-unes de celles des jurisconsultes, et qui est éternel dans son idée abstraite, a dû être aussi éternel dans l’usage et dans la pratique des nations. Les jurisconsultes romains raisonnent mieux en considérant ce droit naturel comme ordonné par la Providence, et comme éternel en ce sens que, sorti des mêmes origines que les religions, il passe comme elles par différents âges, jusqu’à ce que les philosophes viennent le perfectionner et le compléter par des théories fondées sur l’idée de la justice éternelle.
2o Leurs systèmes n’embrassent pas la moitié du droit naturel des gens. Ils parlent de celui qui regarde la conservation du genre humain, et ils ne disent rien de celui qui a rapport à la conservation des peuples en particulier. Cependant c’est le droit naturel établi séparément dans chaque cité qui a préparé les peuples à reconnaître, dès leurs premières communications, le sens commun qui les unit, de sorte qu’ils donnassent et reçussent des lois conformes à toute la nature humaine, et les respectassent comme dictées par la Providence. (Vico.)