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au sentiment instinctif de la toute-puissance de Dieu, qu’ont en eux les hommes de toutes les nations.

Les vérités que nous venons d’établir renversent tout ce qui a été dit sur l’origiae de la poésie, depuis Aristote et Platon jusqu’aux Scaliger et aux Castelvetro. Nous l’avons montré, c’est par un effet de la faiblesse du raisonnement de l’homme que la poésie s’est trouvée si sublime à sa naissance, et qu’avec tous les secours de la philosophie, de la poétique et de la critique, qui sont venues plus tard, on n’a jamais pu, je ne dirai point surpasser, mais égaler son premier essor[1]. Cette découverte de l’origine de la poésie détruit le préjugé commun sur la profondeur de la sagesse antique, à laquelle les modernes devraient désespérer d’atteindre, et dont tous les philosophes, depuis Platon jusqu’à Bacon, ont tant souhaité de pénétrer le secret. Elle n’a été autre chose qu’une sagesse vulgaire de législateurs qui fondaient l’ordre social, et non point une sagesse mystérieuse sortie du génie de philosophes profonds. Aussi, comme on le voit déjà par l’exemple tiré de Jupiter, tous les sens mystiques d’une haute philosophie attribués par les savants aux fables grecques et aux hiéroglyphes égyptiens, paraîtront aussi choquants que le sens historique se trouvera facile et naturel.

  1. Voilà pourquoi Homère se trouve le premier de tous les poètes du genre héroïque, le plus sublime de tous, dans l’ordre du mérite comme dans celui du temps. (Vico.)