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volonté divine fut plus tard appelée numen ; Jupiter commandait par signes, idée sublime, digne expression de la majesté divine. Ces signes étaient, si je l’ose dire, des paroles réelles, et la nature entière était la langue de Jupiter. Toutes les nations païennes crurent posséder cette langue dans la divination, laquelle fut appelée par les Grecs théologie, c’est-à-dire science du langage des dieux. Ainsi Jupiter acquit ce regnum fulminis, par lequel il est le roi des hommes et des dieux. Il reçut alors deux titres, optimus dans le sens de très fort (de même que chez les anciens Latins fortis eut le même sens que bonus dans des temps plus modernes) ; et maximus, d’après l’étendue de son corps, aussi vaste que le ciel.

De là tant de Jupiters dont le nombre étonne les philologues ; chaque nation païenne eut le sien.

Originairement Jupiter fut en poésie un caractère divin, un genre créé par l’imagination plutôt que par l’intelligence (universale fantastico), auquel tous les peuples païens rapportaient les choses relatives aux auspices. Ces peuples durent être tous poètes, puisque la sagesse poétique commença par cette métaphysique poétique qui contemple Dieu dans l’attribut de sa Providence, et les premiers hommes s’appelèrent poètes théologiens, c’est-à-dire sages qui entendent le langage des dieux, exprimé par les auspices de Jupiter. Ils furent surnommés divins, dans le sens du mot devins, qui vient de divinari, deviner, prédire. Cette science fut appelée muse, expression qu’Homère nous définit par la science du bien et du mal, qui n’est autre que la divination[1]. C’est encore d’après cette théologie mys-

  1. La défense de la divination faite par Dieu à son peuple fut le fondement de la véritable religion. (Vico.)