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encore toute la sagesse, les premiers sages ; maîtres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois ; de là le nom de patriarches (pères et princes). Dans une si grande barbarie, leur joug ne peut être que dur et cruel ; le Polyphème d’Homère est, aux yeux de Platon, l’image des premiers pères de famille. Il faut bien qu’il en soit ainsi pour que les hommes domptés par le gouvernement de la famille se trouvent préparés à obéir aux lois du gouvernement civil qui va succéder. Mais ces rois absolus de la famille sont eux-mêmes soumis aux puissances divines, dont ils interprètent les ordres à leurs femmes et à leurs enfants ; et comme alors il n’y a point d’action qui ne soit soumise à un Dieu, le gouvernement est en effet théocratique.

Voilà l’âge d’or, tant célébré par les poètes, l’âge où les dieux règnent sur la terre. Toute la vertu de cet âge, c’est une superstition barbare qui sert pourtant à contenir les hommes, malgré leur brutalité et leur orgueil farouche. Quelque horreur que nous inspirent ces religions sanguinaires, n’oublions pas que c’est sous leur influence que se sont formées les plus illustres sociétés du monde ; l’athéisme n’a rien fondé.

Bientôt la famille ne se composa pas seulement des individus liés par le sang. Les malheureux qui étaient restés dans la promiscuité des biens et des femmes, et dans les querelles qu’elle produisait, voulant échapper aux insultes des violents, recoururent aux autels des forts, situés sur les hauteurs. Ces autels furent les premiers asiles, vetus urbes condentium consilium, dit Tite-Live. Les forts tuaient les violents et protégeaient les réfugiés. Issus de Jupiter, c’est-à-dire nés sous ses auspices, ils étaient héros