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d’images, et des licences, et du mélange des dialectes. Qui pourrait s’étonner encore qu’il ait élevé les hommes à la grandeur des dieux, et rabaissé les dieux aux faiblesses humaines ? le vulgaire ne fait-il pas les dieux à son image ?

Le génie d’Homère s’explique aussi sans peine ; l’incomparable puissance d’invention qu’on admire dans ses caractères, l’originalité sauvage de ses comparaisons, la vivacité de ses peintures de mort et de batailles, son pathétique sublime, tout cela n’est pas le génie d’un homme, c’est celui de l’âge héroïque. Quelle force de jeunesse n’ont pas alors l’imagination, la mémoire, et les passions qui inspirent la poésie ?

Les trois principaux titres d’Homère sont désormais mieux motivés : c’est bien le fondateur de la civilisation en Grèce, le père des poètes, la source de toutes les philosophies grecques. Le dernier titre mérite une explication : les philosophes ne tirèrent point leurs systèmes d’Homère, quoiqu’ils cherchassent à les autoriser de ses fables, mais ils y trouvèrent réellement une occasion de recherches, et une facilité de plus pour exposer et populariser leurs doctrines.

Cependant on peut insister : en supposant qu’un peuple entier ait été poète, comment put-il inventer les artifices du style, ces épisodes, ces tours heureux, ce nombre poétique ?… Et comment eût-il pu ne pas les inventer ? Les tours ne vinrent que de la difficulté de s’exprimer ; les épisodes, de l’inhabileté qui ne sait pas distinguer et écarter les choses qui ne vont pas au but.

Quant au nombre musical et poétique, il est naturel à l’homme ; les bègues s’essaient à parler en chantant ;