social : quelle autre puissance que celle d’une religion pleine de terreurs aurait dompté le stupide orgueil de la force, qui jusque-là isolait les individus ? — sous le rapport religieux : ne fallait-il pas que l’homme passât par cette religion des sens pour arriver à celle de la raison, et de celle-ci à la religion de la foi ?
Mais comment expliquer ce premier pas de l’esprit humain, ce passage critique de la brutalité à l’humanité ? Comment dans un état de civilisation aussi avancé que le nôtre, lorsque les esprits ont acquis par l’usage des langues, de l’écriture et du calcul une habitude invincible d’abstraction, nous replacer dans l’imagination de ces premiers hommes plongés tout entiers dans les sens, et comme ensevelis dans la matière ? Il nous reste heureusement sur l’enfance de l’espèce et sur ses premiers développements le plus certain, le plus naïf de tous les témoignages : c’est l’enfance de l’individu.
L’enfant admire tout, parce qu’il ignore tout. Plein de mémoire, imitateur au plus haut degré, son imagination est puissante en proportion de son incapacité d’abstraire. Il juge de tout d’après lui-même, et suppose la volonté partout où il voit le mouvement.
Tels furent les premiers hommes. Ils firent de toute la nature un vaste corps animé, passionné comme eux. Ils parlaient souvent par signes ; ils pensèrent que les éclairs et la foudre étaient les signes de cet être terrible. De nouvelles observations multiplièrent les signes de Jupiter, et leur réunion composa une langue mystérieuse, par laquelle il daignait faire connaître aux hommes ses volontés. L’intelligence de cette