si vous transportez la méthode géométrique dans la
vie pratique : …… Nihilo plus agas, quam si des operam ut cum ratione insanias (C’est vouloir déraisonner avec
la raison). Et comme si l’on ne voyait pas régner dans
les choses humaines le caprice, le fortuit, l’occasion,
le hasard, vouloir marcher droit à travers les anfractuosités de la vie, vouloir dans un discours politique
suivre la méthode des géomètres, c’est vouloir n’y rien
mettre d’acutum, ne rien dire que ce qui se trouve
sous les pas de chacun, c’est traiter ses auditeurs
comme des enfants à qui on ne donne point d’aliment
qui ne soit mâché d’avance ; c’est faire le pédagogue et
non pas l’orateur.
Certes, je m’étonne de voir ceux qui vantent si fort la méthode géométrique dans l’éloquence civile, ne proposer pour modèle que Démosthène. Bientôt, s’il plaît à Dieu, Cicéron ne sera que confusion, désordre, chaos ; Cicéron, en qui les doctes ont jusqu’à ce jour admiré tant d’ordre, tant de soin de l’arrangement et de l’harmonie, lui, dont les paroles se succèdent et s’enchaînent, si bien que ce qu’il dit en second lieu semble sortir de ce qu’il a dit d’abord plutôt que venir de l’orateur. Mais Démosthène procède-t-il autrement que par hyperbate comme le lui reproche Longin, le plus judicieux de tous les rhéteurs ? J’ajouterai que c’est dans ce désordre même que la force de son éloquence, toute en enthymèmes, se bande comme une catapulte. Son habitude est de mettre d’abord le sujet en avant pour avertir ses auditeurs de ce dont il s’agit ; bientôt il se jette à côté dans une chose qui semble n’avoir rien de commun avec la question pour distraire et fourvover ses auditeurs ; à la fin, il rétablit le