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langage poétique ; plus le génie se trouve ainsi resserré, mieux il jaillit en traits sublimes.

Dans sa Divine Comédie Dante fut inspiré par la colère. Il a déployé toute son imagination dans son Enfer, en chantant des colères implacables, telles que celle d’Achille, qui, a elle seule, remplit l’Iliade. Il s’y complaît à décrire d’épouvantables tourments, précisément comme au temps où la Grèce était barbare et féroce, Homère peignit dans ses batailles tant d’images affreuses de blessures et de morts. Ce caractère atroce de leurs fables, qui excite la compassion des hommes civilisés, n’était qu’agréable à leurs auditeurs. Maintenant encore les Anglais, moins amollis par la délicatesse du siècle, aiment l’atrocité dans les tragédies ; tel fut aussi sans doute, dans les commencements, le goût du théâtre grec, qui présentait aux spectateurs l’affreux repas de Thyeste, ou Médée mettant en pièces son frère ou ses fils.

Dans le Purgatoire où les peines les plus douloureuses sont endurées avec une inaltérable patience, dans le Paradis où les bienheureux goûtent une paix profonde et des joies infinies, nous admirons moins l’auteur de la Divine Comédie, habitués que nous sommes à la paix et à la douceur d’un âge civilisé ; et c’est là qu’il est le plus admirable, pour s’être élevé à de telles conceptions dans un âge impatient de l’offense et de la douleur. Nous en dirons autant d’Homère. Nous estimons l’Iliade moins que le poème où il célèbre la patience héroïque d’Ulysse.


Discours prononcé en 1700. — Nous laissons ce passage et le suivant en latin, pour qu’on puisse juger de la vigueur