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pour ne rien hasarder, dit qu’on rassembla les institutions les plus sages que l’on put trouver dans tous les pays (accitis quæ usquam egregia). — Ne pourrait-on pas dire que cette députation fut simulée par le sénat pour amuser le peuple, et que ce mensonge, appuyé sur une tradition de deux cent cinquante ans, a été transmis à la postérité par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse, tous deux contemporains d’Auguste, car aucun historien antérieur, ni grec ni latin, n’en a fait mention ? Denys est un Grec, un étranger, et Tite-Live déclare qu’il n’écrit l’histoire avec certitude que depuis le commencement de la seconde guerre punique. — Il semblerait, d’après l’éloge que Cicéron donne aux Douze Tables, qu’il ne croyait point cette législation dérivée de celle des Grecs. C’est ce passage célèbre du livre De l’Orateur où Cicéron parle ainsi sous le nom de Crassus : « Dussé-je révolter tout le monde, je dirai hardiment mon opinion : le petit livre des Douze Tables, source et principe de nos lois, me semble préférable à tous les livres des philosophes, et par son autorité imposante, et par son utilité… Vous trouverez, dans l’étude du droit, le noble plaisir, le juste orgueil de reconnaître la supériorité de nos ancêtres sur toutes les autres nations, en comparant nos lois avec celles de leur Lycurgue, de leur Dracon, de leur Solon. En effet, on a de la peine à se faire une idée de l’incroyable et ridicule désordre qui régne dans toutes les autres législations ; et c’est ce que je ne cesse de répéter tous les jours dans nos entretiens, lorsque je veux prouver que les autres nations, et surtout les Grecs, n’approchèrent jamais de la sagesse des Romains, » (Cicéron, De l’Orateur, liv. Ier. Édition de M. Leclerc, t. III.)