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ver, que dans les choses où elle peut disposer les éléments ; c’est ce qui ne peut avoir lieu que dans les mathématiques, et qui est absolument impossible en physique.

Ce qui est encore pis, c’est qu’il s’est introduit un scepticisme fardé de vérité. Ils font des systèmes de chaque chose particulière, c’est-à-dire qu’il n’y a plus rien en quoi l’on s’accorde, rien à quoi l’on puisse ramener les choses particulières. Aristote remarque que c’est le défaut des esprits bornés de tirer de tout événement particulier des maximes générales pour la vie.

Sans doute nous devons beaucoup à Descartes, qui a établi le sens individuel pour règle du vrai ; c’était un esclavage trop avilissant que de faire tout reposer sur l’autorité. Nous lui devons beaucoup pour avoir voulu soumettre la pensée à la méthode ; l’ordre des scolastiques n’était qu’un désordre. Mais vouloir que le jugement de l’individu règne seul, vouloir tout assujettir à la méthode géométrique, c’est tomber dans l’excès opposé. Il serait temps désormais de prendre un moyen terme : de suivre le jugement individuel, mais avec les égards dus à l’autorité ; d’employer la méthode, mais une méthode diverse selon la nature des choses.

Autrement on s’apercevra trop tard que Descartes a fait comme ceux qui se sont frayé un chemin à la tyrannie en se déclarant les défenseurs de la liberté, et qui, une fois sûrs du pouvoir, ont fait peser sur le peuple une tyrannie plus insupportable que celle qu’ils avaient renversée. Il a fait négliger la lecture des autres philosophes en professant que par les seules lumières