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matières où la méthode ne peut forcer l’assentiment, et qui nous disent toujours, Ceci est un axiome, cette proposition est démontrée, me font l’effet d’un peintre qui mettrait sous les figures informes qu’il aurait tracées, Ceci est un homme, un lion, un satyre.

Avec la même méthode géométrique, Proclus démontre les principes de la physique d’Aristote ; Descartes démontre les principes de la sienne, sinon opposés, au moins très différents. Yoilà des deux côtés de grands géomètres ; on ne dira pas qu’ils n’ont pas su appliquer les règles de cette méthode.

La philosophie n’a jamais servi qu’à rendre les peuples chez lesquels elle fleurissait, plus habiles et plus sages, à les rendre plus pénétrants, plus capables de réflexion ; les mathématiques servent à leur faire aimer l’ordre, l’harmonie, à leur donner le goût du beau. Aux mathématiciens, il appartient de chercher le vrai ; les philosophes doivent se contenter du probable ; c’est une loi fondamentale dans la science. Tant que cette distinction fut observée, la Grèce communiqua au monde les principes des sciences et des arts, et présenta dans les arts et dans la politique tous les prodiges du génie humain. Enfin s’éleva la secte stoïque dont l’ambition, franchissant les anciennes limites de la philosophie, envahit le domaine des mathématiques avec cette orgueilleuse maxime : Le sage ne pense rien que de certain, sapientem nihil opinari ; et la république des lettres cessa de produire rien d’utile. C’est alors que naquit la secte des sceptiques, la plus inutile à la société humaine. Tout opposée qu’elle est à celle des stoïciens, sa naissance n’en fait pas moins leur honte : les sceptiques ne se