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des Français que pour ceux des Italiens. La langue française, avec ses nombreux substantifs et son défaut d’inversion, manque de flexibilité. La versification française avec ses alexandrins qui vont deux à deux, a peu de majesté et de mouvement. Mais cette langue, si peu propre au style orné et sublime, convient à celui de la philosophie. Abondante en substantifs, et surtout en substantifs qui expriment des abstractions, elle effleure toujours les généralités. Aussi est-elle éminemment propre au genre didactique, parce que les arts et les sciences s’attachent aux généralités les plus élevées. S’il est vrai que les esprits sont formés par les langues, bien plus qu’ils ne les forment, on conviendra que cette nouvelle critique qui semble toute spirituelle, que cette analyse qui dégage de tout caractère corporel le sujet de la science, ne pouvaient prendre naissance que chez le peuple qui parle la plus subtile de toutes les langues, la plus susceptible d’abstraction.

Vico pense que la critique et la physique moderne nuiront peu à la poésie, pourvu qu’on ne les enseigne pas aux enfants de trop bonne heure. En effet, la poésie, comme la philosophie, s’occupe de la recherche du vrai. Le poète ne s’écarte des formes ordinaires du vrai que pour en créer une image plus excellente ; il n’abandonne la nature incertaine que pour suivre la nature constante ; il ne se permet la fiction qu’afin d’être mieux dans la vérité. Ce n’était pas sans raison que les stoïciens regardaient Homère comme leur maître. La géométrie elle-même n’est pas sans rapport avec la poésie : des deux côtés, les données sont imaginaires, la vérité est dans la déduction.

Un des inconvénients de notre système d’études,