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période par la religion, par la poésie et les arts, il accumule les faits dont la philosophie doit un jour faire usage. Il a déjà le sentiment de bien des vérités, il n’en a pas encore la science. Il faut qu’un Socrate, un Descartes, viennent lui demander de quel droit il les possède, et que les attaques opiniâtres d’un impitoyable scepticisme l’obligent de se les approprier en les défendant. L’esprit humain, ainsi inquiété dans la possession des croyances qui touchent de plus près son être, dédaigne quelque temps toute connaissance que le sens intime ne peut lui attester ; mais dès qu’il sera rassuré, il sortira du monde intérieur avec des forces nouvelles, pour reprendre l’étude des faits historiques : en continuant de chercher le vrai il ne négligera plus le vraisemblable, et la philosophie, comparant et rectifiant l’un par l’autre, le sens individuel et le sens commun, embrassera dans l’étude de l’homme celle de l’humanité tout entière.

Cette dernière époque commence pour nous. Ce qui nous distingue éminemment, c’est, comme nous disons aujourd’hui, notre tendance historique. Déjà nous voulons que les faits soient vrais dans leurs moindres détails ; le même amour de la vérité doit nous conduire à en chercher les rapports, à observer les lois qui les régissent, à examiner enfin si l’histoire ne peut être ramenée à une forme scientifique.

Ce but dont nous approchons tous les jours, le génie prophétique de Vico nous l’a marqué longtemps d’avance. Son système nous apparaît, au commencement du dernier siècle, comme une admirable protestation de cette partie de l’esprit humain qui se repose sur la sagesse du passé, conservée dans les religions,