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Parlons d’abord de la critique par laquelle commencent aujourd’hui les études ; de crainte que la vérité première dont elle fait son point de départ, ne soit mêlée de faux, ou du moins ne soit soupçonnée d’en contenir, elle rejette avec le faux les vérités d’un ordre secondaire, et tout ce qui n’est que vraisemblable. On a tort de commencer ainsi par la critique ; c’est le sens commun que l’on doit former en premier lieu chez les jeunes gens, de crainte qu’arrivés à la pratique de la vie, ils ne se jettent dans l’extraordinaire et dans le bizarre ; or, si la science sort du vrai et l’erreur du faux, c’est du vraisemblable que résulte le sens commun. Le vraisemblable tient comme le milieu entre le vrai et le faux ; ordinairement c’est le vrai, le faux rarement. C’est pourquoi il est bien à craindre que le sens commun qu’on devrait développer avec tant de soin chez les jeunes gens, ne soit étouffé en eux par la critique.

En outre, le sens commun est la règle de l’éloquence, comme celle de tout autre genre d’habileté. Il est donc à craindre que notre critique ne rende les jeunes gens peu propres à l’éloquence. — Les critiques modernes placent leur vérité première hors de toutes les images corporelles. Mais pour les jeunes gens un tel précepte est prématuré ; leur faculté distinctive, c’est l’imagination, comme la raison est celle des vieillards ; on ne doit point étouffer en eux une faculté qui a toujours passé pour l’indice du plus heureux naturel. La mémoire aussi, qui n’est guère que l’imagination, doit être cultivée avec soin dans les enfants, chez lesquels cette faculté seule est déjà puissante. Gardons-nous d’émousser le génie des arts qui s’appuient sur