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dû en vrai philosophe, en chrétien, les dissimuler et y compatir.

Du reste, s’il eut de l’aigreur contre ceux qui cherchaient à le diffamer, il témoigna toujours de l’obligeance à ceux qui professaient une juste estime pour sa personne et pour ses ouvrages, et c’étaient les plus honnêtes gens et les plus instruits de la ville. Les demisavants, les faux savants, le traitaient de fou, ou, avec plus de politesse, d’extravagant, d’esprit obscur et paradoxal. La malignité l’accablait d’éloges. Les uns prétendaient que Vico était bon à instruire la jeunesse, lorsqu’elle avait terminé ses études, comme si Quintilien avait tort de désirer que les Alexandres fussent dès le berceau confiés à un Aristote. D’autres lui prodiguaient un éloge qui, pour être plus flatteur, n’en était pas moins nuisible : c’est qu’il était capable de diriger plutôt les maîtres. Vico bénissait ces adversités qui le ramenaient à ses études. Retiré dans sa solitude comme dans un fort inexpugnable, il méditait, il écrivait quelque nouvel ouvrage, et tirait une noble vengeance de ses détracteurs. C’est ainsi qu’il en vint à trouver la Scienza nuova. Depuis ce moment il crut n’avoir rien à envier à ce Socrate au sujet duquel le bon Phèdre exprime ce vœu magnanime :

Cujus non fugio morlem, si famam assequar,
Et cedo invidiœ, dummodo absolvar cinis.

« Que l’on m’assure sa gloire, et j’accepte sa mort. Que l’envie me condamne vivant, pourvu qu’on absolve ma cendre. »