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L’ESCOLE DES FILLES


guère de cœur et il faudroit qu’il fust bien malheureux pour en user de la sorte. Mais tu n’es pas faschée de luy avoir permis ce que tu sçais, à ce que je me puis imaginer ?

Fanchon. Non, aussi vray, ma cousine, tant s’en faut ; et si c’estoit à recommencer, je le ferois de bon cœur, sçachant ce que je sçay, car je vous asseure que c’est un grand soulagement d’estre aimée, et je trouve, pour moy, que je m’en trouve mieux de la moitié depuis que je me suis appliqué la peau d’un garçon dessus.

Susanne. Tu en es seulement plus gaillarde à te voir comme tu es, et tu me portes la mine d’estre un jour bien fine et rusée à ce jeu.

Fanchon. Ma cousine, ce n’est rien que cela, et j’apprends tous les jours. On est un peu honteuse au commencement, parce qu’on n’a pas accoutumé de le faire, mais, à la fin, je mettray soubs pieds toute honte, car mon amy m’apprend peu à peu à n’en point avoir. Il dit qu’il me veut rendre une des plus habiles filles qui soient capables de donner du contentement aux hommes.

Susanne. O bien ! il faut espérer cela de son amitié et de ton bon naturel. Or, pour t’y porter encore plus, il faut considérer l’avantage que tu as sur les autres filles, d’avoir un si grand plaisir qu’elles n’ont point, et t’ouvrir