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L’ESCOLE DES FILLES.


menté en cachette te donnera une certaine petite joye et suffisance de toy-mesme qui te rendra plus hardie en compagnie et mieux disante ; d’où vient que l’on te préférera aux autres filles qui sont pour la pluspart honteuses et stupides. Et il ne se peut faire qu’à la fin, parmy tous ceux qui t’aimeront (envers lesquels tu useras toujours d’une petite sévérité honeste), il n’y en ayt quelqu’un qui donne dans le panneau pour t’épouser. Cependant tu verras ton amy indifféremment aux lieux publics et l’entretiendras sans scrupule, goustant avec luy la douce satisfaction de tromper tant de gens, et le bon de tout cela est qu’après que tu auras bien employé la journée à causer et discourir, et que tu te seras mise en humeur par les contes et bonnes chères qu’on t’aura faites, te mocquant en ton âme de la sottise de tes compagnes qui emploient si mal la nuict toutes seules, tu la viendras passer amoureusement entre les bras d’un amy qui la passera aussi doucement que toy et fera tous ses efforts de nature pour tascher de satisfaire ta passion.

(36) Fanchon. Certes, vous estes bien heureuse, ma cousine, à ce que je voy, et il me tarde bien desjà que je n’aye commencé de faire comme vous. Mais comment est-ce que je m’y doibs gouverner, car je ne le sçay pas et j’ay