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L’ESCOLE DES FILLES


quand elle trouve, de deux corps de n’en faire qu’un. D’où vient que, pour signe de réjouyssance, elle en pleure de joye, et il semble en mesme temps que les deux corps ne se doibvent jamais disjoindre, tant ils sont collez l’un à l’autre, et qu’ils ont bien repris racine ; et peu après, elle se retire de tristesse, voyant que cela n’arrive pas.

(70) Fanchon. Ma cousine, qu’est-ce donc que l’amour ?

Susanne. C’est le désir d’une moitié pour servir ou s’unir à son autre moitié.

Fanchon. Expliquez-moy cela plus clairement, s’il vous plaist.

(71) Susanne. C’est un appétit corporel ou un premier mouvement de la nature, qui monte avec le temps jusques au siége de la raison, avec laquelle il s’habitue et se perfectionne en idée spirituelle ; d’où vient que ceste raison examine avec plus de cognoissance les belles convenances qu’il y auroit que ceste moitié fust unie à son autre moitié. Et quand la nature est arrivée à sa fin, ceste idée ou vapeur spirituelle vient à se résoudre peu à peu en une pluye blanche comme laict, et s’escoule, le long de l’espine du dos, dans les conduits, et elle devient le plaisir de la chose dont elle n’estoit auparavant que l’idée.