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L’ESCOLE DES FILLES

Fanchon. Il faut donc que vous m’en donniez, s’il vous plaist, ma cousine.

Susanne. Ouy, ouy, je t’en donneray quand il faudra, et de plus, pour t’oster toute crainte, il y a une chose à considérer encore : c’est que ce malheur n’est pas si extraordinaire qu’on le doibve tant apprehender. Et combien qu’il y ayt des filles grosses dont on ne s’aperçoit point, au moyen de certains busques et habillements faits exprès, dont elles se servent, lesquelles cependant ne laissent pas de se donner bien du bon temps autant qu’elles peuvent avec ceux qui les ont engrossées. Aussi, voylà bien de quoy ! pour neuf mois que l’on passe en délices et plaisirs, on n’engrosse qu’une seule fois, et penses-tu, dame, tous les coups ne portent pas. Non, on est quelquefois bien un an, voire deux, quatre, six et le plus souvent jamais sans s’engrosser, et c’est le plus grand hazard du monde quand cela arrive ou que l’on n’a pas de moyens pour s’en empescher. Au pis aller, on a tousjours sept ou huit mois pour se préparer, et dans ceste intervalle on feint des maladies, des promenades, des pèlerinages, et quand le temps est venu on se descouvre à une sage-femme qui est obligée, sur sa conscience, de tenir le fait caché secret. Un amy vous conseille et assiste au besoing, on fait des voyages d’un mois ou de

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