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L’ESCOLE DES FILLES

Fanchon. Tant que vous voudrez, ma cousine, je ne vous interrompray point.

Susanne. Le plaisir passe, mon enfant, il est vray, mais le désir en revient, et c’est ce qui nourrit l’amour. Ha ! parlons tout de bon et sans feintise, aymerois-tu bien Robinet s’il estoit chastré, et l’aurois-tu voulu prendre, pour beau et bien fait qu’il puisse estre, si l’on t’avoit dit qu’il fust impuissant ? responds.

Fanchon. Non, asseurément.

Susanne. Ergo, ce qui est vray à ton esgard ne le doibt-il pas estre aussi véritable quant au sien ? tellement que si tu n’avois point eu d’engin où loger le sien, si tu n’avois point eu de beauté pour le faire bander ou qu’il t’eust trouvée difforme à son gré, serois-tu si simple que de t’imaginer qu’il t’eust aymée ? et pour qui au reste ? pour tes beaux yeux ? si tu n’en avois point ? Non, non, cousine, il faut que tu te detrompes : les hommes n’ayment que pour leur plaisir, et quoy qu’ils nous tesmoignent le contraire quand ils nous recherchent, ils ont tousjours leurs désirs fichez entre nos cuisses, de mesme que nous à les baiser et accoller, par honte de demander le reste. As-tu jamais veu les bestes parmy les champs, combien amoureusement le masle grimpe sur la femelle, le taureau sur la genisse, le cheval sur la cavale (48) ?