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L’ESCOLE DES FILLES


plus douces et spirituelles. Mais, avec tout cela, penses-tu que quand les hommes sont entr’eux ils usent de tant de cérémonies ? O nenni, vrayement ; les mêmes libertés que nous avons à nous dire les choses comme elles sont, ils s’en servent (22) de mesme dans leurs entretiens privés, tellement que s’ils voyent passer quelqu’une dont ils ont desjà jouy, ils ne disent pas simplement : J’ay baisé une telle, mais bien : J’ay foutu une telle, je l’ay chevauchée ; ma foi, elle y prenoit plaisir ; non (si ce n’est la langue dans la bouche) : Je l’ay possédée, j’ay pris les dernières faveurs ; ou bien : Elle n’estoit point dégoustée, elle remuoit le cul comme il faut, elle avoit le con large ou estroit, et se pasmoit d’aise en le faisant. Quand tu les vois cinq ou six d’une bande sur le pas de leur porte, qui se tournent et retournent de tous costés pour voir passer les filles et qui se rient au nez quand ils en voyent quelqu’une qui leur plaist, c’est comme cela qu’ils parlent entre eux et qu’ils se disent librement ce qu’ils voudroient bien luy faire. Bref, ils s’entretiennent de nous dans les mesmes termes comme nous le ferions d’eux si l’occasion s’en présentoit.

Fanchon. Et comment, ma cousine, ils se disent donc les uns aux autres ce qu’ils nous font ?