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péré d’un homme à qui l’on prend son fils unique. Mais le petit place son mot. Sur ses fortes épaules, développées par le travail, il garde une bonne caboche de gosse, ronde et blonde, aux yeux clairs et candides. Il tient, lui, pour l’assaut à la baïonnette. Et d’une voix encore enfantine, il répète :

— À la baïonnette ! À la baïonnette !

Cette fois, toute l’assemblée applaudit. Et Pierre crie :

— Ah ! Ah ! voilà un vrai poilu !

Le mot est d’une pénible ironie, appliqué à ce petit gars imberbe, dont la joue est encore duvetée comme celle d’un enfant. Mais je m’y arrête à peine. Une crainte me traverse. Le fils Mitry n’a pas dix-neuf ans. Sa classe est la troisième qu’on appelle depuis le début de la guerre. Puisqu’on les prend si jeunes, puisqu’on les prend si vite, le tour de René ne va-t-il pas venir ? Allons, allons, je divague. Et je me répète les propos qu’on continue de prêter à Joffre et que je veux croire authentiques : la France vidée d’Allemands en fin mai, la guerre terminée en fin septembre.