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J’ai déjà entendu des hommes politiques, et non des moindres, s’exprimer en ce sens à l’endroit du Kaiser. J’ai constaté une fois de plus, à cette occasion, que leurs propos de salon ne ressemblent pas toujours à leurs propos de tribune. Tel qui hurle, « jusqu’au bout ! » dans ses discours, avoue dans l’intimité sa lassitude de la guerre. Tel qui absout le Kaiser entre amis, le voue à l’exécration des foules qu’il harangue.

De fait, cet homme a concentré sur lui toutes les haines. Des millions de cartes postales illustrées le représentent pendu, guillotiné, écartelé. À Bordeaux, les commères voulaient le faire mourir de faim, lentement. Ces jours-ci, au restaurant, un dîneur proposait de l’enfermer dans une cage de fer, accrochée à la Tour Eiffel. Et une de nos belles amies — du clan, justement, où l’on souhaitait, voici deux ans, une bonne guerre — exige qu’on lui enduise le visage de miel et qu’on l’expose devant une ruche.

Ce coupable symbolique ne serait-il que la marionnette aux mains des vrais coupables, cachés dans la coulisse ?