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LES « HAUTS FOURNEAUX »

se presse et se vautre une foule fêtarde et malsaine, toute une fleur de pourriture. À l’heure du déjeuner, les fins restaurants regorgent, aux abords de la Madeleine. On met un nom sur chaque visage. Avant d’atteindre sa place, on doit échanger vingt saluts. Et, à toutes les tables, ce sont les mêmes soins méticuleux pour arrêter le menu, exiger une sauce à point, choisir les beaux fruits blottis dans leur couche ouatée. Penser qu’à cent kilomètres, la catastrophe continue, sans cesse… Obligée de mener cette vie, il me semble que je sois seule à en éprouver une gêne, un malaise de révolte et de mélancolie.

6 mars 1915.

Cependant, on reste cornélien. À propos d’un infirmier aux armées qui, dans une crise panique, avait rejoint Paris, une femme me dit : « Son père n’a plus qu’à se tuer. »

Et cette scène, découpée dans la chronique judiciaire. Un soldat, ayant appris la mort de son gosse, a voulu embrasser sa femme. Il la rejoint. Il est pris, jugé. Devant le conseil de guerre, son