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LES « HAUTS FOURNEAUX »

5 mars 1915.

Après la guerre, la censure abolie, les langues déliées, la raison revenue, des milliers de récits divulgueront la vraie vie des tranchées. Mais, déjà, les contremaîtres et les ouvriers rentrés dans les usines commencent à parler. Déjà, le contraste apparaît, énorme, tragique et bouffon, entre les pensées qu’on prête aux soldats et celles qu’ils ont, entre la guerre héroïque, pittoresque, que nous peignent les journaux, et la réalité d’incessante, d’abjecte misère. Je ne veux pas m’y attarder. Je retiens seulement le mot ingénu de l’un de ces hommes qui, après six mois d’Argonne, retrouvait la quiétude de l’arrière. Il feuilletait la récente collection d’un grand illustré, les images de la guerre telle qu’il convient de la représenter. Et il s’écria naïvement : « Oh ! Je ne me figurais pas la guerre comme ça ! »

L’aspect de Paris les stupéfie tous. Ils se demandent si l’on n’a pas oublié qu’il y a la guerre et des armées au front. En effet, la vie reprend. On me cite des « thés » achalandés, où