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LES « HAUTS FOURNEAUX »

tion révèle ce martyrologe innombrable ! C’est le soldat qui déclare, pendant qu’on l’ampute des deux jambes : « On ne saurait trop souffrir pour notre belle France. » C’est le sergent qui murmure dans un dernier souffle : « Tu diras que le sergent X… est mort en bon Français. » Ainsi, dans ces instants de sincérité suprême, tous les cris de douleur et d’agonie sont des cris d’amour pour la France.

Mais pourquoi cet amour, qui sacrifie tout à la Patrie dans la guerre, ne lui sacrifie-t-il rien dans la paix ? Car enfin, dans la vie normale, qui donc s’avise de contribuer spontanément, consciemment, à la grandeur de la patrie ?

Elle a été attaquée ? Mais un homme n’aime pas seulement sa mère quand on la frappe. Il l’aime sans cesse.

Non. Le contraste est trop absolu entre cette indolence dans la paix et ce délire fanatisé dans la guerre. Le déséquilibre est excessif. On dirait que ce pays a été drogué. Mais par qui ?

4 février 1915.

Un soldat français, prisonnier en Allemagne,