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LES « HAUTS FOURNEAUX »

indécence ? Elle tend le papier à son mari, qui tire de sa barbe un soupir indigné. Les mots lui manquent. Le télégramme passe à Delaplane. Ce n’est pas lui qui me renseignera. Son vocabulaire se borne à une sorte de grognement, « hon, hon », qu’il met à toutes sauces. Il réprouve la dépêche, « hon, hon » et la jette à sa femme. Madeleine Delaplane agite une face pénible et serre ses lèvres minces. Mais son patito, Villequier, veille derrière elle. Dans son uniforme ancien modèle, il évoque la silhouette héroïque des officiers que peignaient Detaille et Neuville. Il est attaché à la censure. Par-dessus l’épaule de la douloureuse Madeleine, il contrôle le texte abominable. Ah ! Il ne se contient pas, lui. Il lit à voix haute. Ce sont les vœux d’une amie brésilienne, à l’occasion de l’an nouveau : « Nous souhaitons la fin de cette horrible guerre ». Et il cravache d’un mot ce peuple qui se permet de juger la guerre horrible et d’en souhaiter la fin : « Sauvages ! »

9 janvier 1915.

J’ai sous les yeux des lettres de soldats. L’un