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LES « HAUTS FOURNEAUX »

glissèrent l’une contre l’autre, muettes, dans le crépuscule.

Le romancier Romain Rolland a grandement raison d’écrire dans une feuille genevoise : « Jamais les journaux ne relèvent les traits de générosité mutuelle, de bienveillance relative. Ils ne notent que la haine et la férocité. Et leurs excitations font, par contre-coup, de nouvelles victimes. »

Hélas ! Les conversations ne sont que l’exact reflet des journaux. Et je ne m’y accoutume pas. Si encore, de retour à Andernos, en tête à tête avec mon René, je pouvais m’épancher à plein cœur. Non. Mes pressentiments ne me trompaient pas. Maintenant qu’il s’est redressé, qu’il a jailli dans un merveilleux élan de résurrection, maintenant qu’il court, qu’il sort, qu’il me revient radieux de jeunesse et de gaîté, maintenant je ne peux plus douter. Ce n’est plus par lassitude qu’il se tait sur la guerre. C’est bien qu’il ne se sent pas d’accord avec moi et qu’il ne veut pas me heurter, me froisser même. Et quand une plainte m’échappe, il l’étouffe bien vite dans un grand geste câlin. Car il sait son pouvoir, le charmeur.