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Ah ! Je les plains tellement, ces mères. J’ai tellement leur cœur. Leur peine est unique. Et elle est indicible. Il y a des mots pour désigner l’enfant qui a perdu ses parents, la femme qui a perdu son mari. On dit orphelin, on dit veuve. Il n’y a pas de mot pour désigner la mère qui a perdu son enfant.

21 décembre 1916.

Départ de René. On l’envoie vers Reims. Il a été si simple, si bon, si affectueux. Pendant nos dernières minutes ensemble, je me reprochais de n’avoir pas été toujours assez tendre, assez confiante, assez expansive avec lui. Le meilleur de soi, on le garde en soi. Et puis, je ne sais pourquoi, je me suis rappelé ce jour, quand il était tout petit, où je l’ai grondé à tort. Et ce souvenir me poursuivait, m’étouffait. J’aurais voulu lui demander pardon.

Sur le pas de la porte, il m’a enveloppée, à grands bras : « Surtout, maman, ne t’en fais pas »… Ç’a été son dernier mot.

Son père l’a accompagné à la gare de l’Est. Je devais rester. Mais, leur voiture partie, je n’ai