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saire pour libérer l’univers du fardeau qui l’accable… Pour un pareil acte, il faut un souverain qui veuille affranchir le monde de ses souffrances, sans souci de la fausse interprétation qu’on donnera volontairement de ces démarches. J’ai ce courage. Je veux oser cet acte. Préparez tout ». Que ces lignes aient été dictées par la crainte du mécontentement et de la lassitude populaires, n’est-ce pas vraisemblable ? Comment ? Depuis deux ans, on nous berce de cette chanson : « Nous épuiserons l’Allemagne par le blocus. Patience. Voici venir la disette, la famine. Elle demandera grâce ». Et le jour où elle propose ouvertement de traiter, nul n’envisage que la pénurie annoncée sévit enfin et que les prédictions se réalisent !… Mais ce serait l’arrêt de la guerre, dont les buts — qu’on refuse d’ailleurs de faire connaître — ne sont pas atteints.

Parfois, je suis tentée d’en discuter avec Pierre. Mais, tout de suite, le péril et l’inanité d’un tel débat m’apparaissent. Pourrait-il m’avouer les mobiles qui les poussent, lui et ses pareils ? Pourrais-je lui crier que je les discerne, au risque de découvrir Paron, qui m’a pénétrée de ses idées ? Et que gagnerais-je à le convaincre, par impossible ? Il n’est pas seul. D’ailleurs, la dis-