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pour moi que les ambitions qu’elle sert et les deuils qu’elle coûte.

Fontainebleau, 12 septembre 1916.

Souvent, je me promène seule dans la forêt, le parc du Château. C’est une continuelle splendeur, par ces beaux jours dorés de septembre. J’ai mes sites préférés, mes coins à moi, qui m’émeuvent à pleurer, je ne sais pourquoi : la fuite d’une allée, le jet d’une statue, le reflet d’un bassin. Et parfois un affreux pressentiment me traverse : ces décors d’apothéose seront les derniers où je verrai mon fils… Alors, j’agite les mains devant moi pour chasser cette prévision. Je presse le pas pour échapper à moi-même. Je m’affirme que je le verrai encore, toujours, en permission, jusqu’à la fin de la guerre. Et il ne me reste de ce court délire qu’une impatience accrue de voir et d’entendre René, de ne rien perdre de lui, de le savourer, de m’emplir l’oreille de sa voix, de m’emplir les yeux de tous les détails de son visage.