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comment les cerveaux ne craquent-ils pas, comment les cœurs n’éclatent-ils pas, comment ne crie-t-on pas : « Assez ! »

Non. Rien. Héroïsme ? Insensibilité ? Respect humain ? En réalité, malgré de pareils spectacles, on ne réalise pas la guerre. On ne réalise pas ce qui se passe dans les tranchées, à cent kilomètres de là. On s’en détache comme d’une expédition coloniale.

Fontainebleau, 25 août 1916.

Ô vous qui, plus tard, voudrez comprendre cette guerre sans précédent, concevez bien que tous les pays belligérants étaient uniquement renseignés par leurs journaux, et que cette presse, disciplinée, censurée, ne donnait que des informations optimistes, ampoulées, haineuses et partiales. Jamais on ne mettait sous les yeux de la foule des critiques de la guerre en soi, des élans de franchise, des gestes de pitié, des spectacles d’horreur vraie. On ne lui montrait qu’une face de la vérité, sous un verre rose. Ce truquage légal, officiel, doit rester un des traits caractéristiques de cette guerre.