Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment et que la vie d’hôtel, en plein été, soit animée d’un continuel défilé de touristes, les journées me semblent longues. Mais je me gronde. Un temps ne viendra-t-il pas où je les regretterai, ces heures solitaires, un temps où je ne pourrai plus me dire : « Je vais le voir tout à l’heure. »

Fontainebleau, 10 août 1916.

Je lisais le conte d’un journal. Ma stupeur grandissait à chaque ligne. Le personnage principal ne tenait-il pas, sur la guerre, des propos humains, généreux, pleins de sagesse et de pitié ? Je me demandais comment la censure avait pu tolérer un langage si contraire à l’orthodoxie. Le dernier mot me livra la clef de l’énigme : cet homme sensible et sensé était un eunuque…

Telles sont les gentillesses dont on farcit quotidiennement les cervelles, sous le couvert innocent de la littérature. N’ai-je pas lu un jour cette farouche invention d’un doux et charmant conteur : une femme, convaincue que son mari fait des signaux à l’ennemi, arme d’un fusil son petit garçon de dix ans et fait tuer le père par le fils.