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LES « HAUTS FOURNEAUX »

lever et le coucher du soleil : Iéna, Waterloo. Mais dans ce cataclysme où des nations armées s’entrechoquent, tout est nouveau. Les esprits, mal préparés à concevoir un gigantesque corps à corps d’une semaine, en ont lentement découvert l’issue, dans une sorte de surprise, d’incrédulité heureuses.

Mais mon cœur soulagé ne se dilate pas. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux morts, à ceux que laissent les morts. Je me réjouis de la victoire, mais je déplore la bataille. Française, je reste humaine.

René, assez éprouvé par le voyage, s’était alarmé de ces signes de fatigue. Il craignait une nouvelle rechute. Comme tous ceux qui relèvent d’une très grave maladie, il est surtout attentif aux progrès de sa convalescence. Il épie la vie qui rentre en lui. Il veut recouvrer la santé, toute la santé. Je le comprends si bien. Au creux d’une niche d’osier, il passe ses journées dans le jardin qui descend jusqu’à la grève. Encore alangui, il parcourt les journaux sans les commenter.

Mais parfois le soupçon me traverse qu’il exagère sa lassitude pour ne point parler, qu’il ne pense pas comme moi sur la guerre et qu’il se tait pour m’épargner. Mon cher petit… Je reconnais si bien là sa manière discrète, sa délica-