Vers six heures, la cérémonie achevée, j’ai vu, dans mon quartier, un soldat-ordonnance à pied qui ramenait par la bride un cheval sans cavalier, un cheval luisant et fin, un cheval de général, garni d’une selle de velours et d’or, aux fontes en peau de tigre. Quinze personnes suivaient, en extase. Un adolescent, qui marchait à côté du soldat, rayonnait d’orgueil et de gloire. Quelle allégorie de l’attrait exercé par la guerre !
La bataille navale du Jutland, où tant d’équipages, tant de milliers de jeunes hommes furent engloutis en quelques heures, eut un sort singulier. Le jour même de la rencontre, avant-hier, les Anglais furent très sobres de nouvelles, tandis que les Allemands illuminaient, donnaient congé dans les écoles et chantaient victoire. Hier, on balançait, on croyait à l’équilibre des pertes. Et, aujourd’hui, les journaux annoncent décidément une victoire anglaise… Napoléon a écrit dans le Mémorial : « Il n’y a de victoires que celles qu’on proclame. » Les deux partis ont suivi ses leçons.