Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ponsables. Ils résument leur pensée dans cette formule : « Tout ça se paiera ». Oseront-ils exiger des comptes et tirer ainsi de la guerre un enseignement pour l’avenir ? J’en doute.

À noter aussi que, bien placés pour juger à leur valeur les informations de la presse, ces hommes ne partagent plus à son endroit l’aveugle crédulité de la foule. L’un d’eux disait drôlement : « Dans le journal, il n’y a de vrai que le feuilleton ».

Paris, 6 mai 1916.

Le mois dernier. Clemenceau visitait le front ; à ceux qui voulaient le détourner d’aller en première ligne, il a répondu : « Quoi ? Combien ai-je à vivre ? Quatre, cinq ans ? Et malade. Et puis, un accident réjouirait tant de gens ».

Aux avant-postes, il arriva près d’un guetteur qui, sans se retourner, lui imposa silence d’un geste et d’un bref : « Tais-toi ! » On dit à cet homme : « C’est Clemenceau. » Il répliqua : « Ah ! C’est Clemenceau… Eh bien, qu’il se taise tout de même. » Un peu plus tard, apprivoisé, il raconta qu’il était à cinq mètres du guetteur