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Enfin toutes les nations s’inspirant, au spectacle même de leur frénésie, une mutuelle terreur, et se précipitant les unes sur les autres.

Je le vois encore, mon pauvre petit, tout rétréci, les bras écartés, les mains tombantes, trop longues pour sa taille inachevée :

— Mais maman… Si tout cela était vrai… Si tous ceux qui sont morts s’étaient fait tuer pour cela… Ce serait une raison de plus pour que je parte, moi… le fils de Pierre Ciboure…

Qu’avais-je fait ?

Ganville 1er mai 1916.

Il est parti.

Il est à Rennes, dans l’artillerie. Pourquoi me suis-je laissée emmener à Ganville pour Pâques ? Ici, tout me le rappelle. Je le vois partout, dans chaque pièce, au détour de toutes les allées. Nous nous entendions si bien. Nous étions si unis. Je n’ose pas entrer dans sa chambre. J’évite même de passer devant la porte. C’est là que je l’ai soigné, que j’ai cru dix fois le perdre, que je l’ai sauvé. Sa pauvre figure sur l’oreiller… Les mots qu’il murmurait, dans un souffle… Tout cela