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26 mars 1916.

Je ne m’étais pas trompée. Ce matin, René m’a avoué tout bas, dans une caresse, son désir de s’engager.

Je l’ai supplié. Pourquoi ne pas suivre simplement le sort de sa classe ? Sa conscience ne lui reprocherait rien. Il me devait bien d’attendre, de m’épargner un surcroît d’angoisse. Tout de même, il m’appartenait un peu. J’avais des droits sur lui. Dans sa grande maladie, avant la guerre, ne lui avais-je pas, à force de soins, redonné la vie ? Qu’il s’expose avant son tour, qu’il tombe, et que la guerre s’achève avant l’appel de sa classe ?… Quel affreux remords de l’avoir laissé partir, quel chagrin sans nom.

Alors, pêle-mêle, j’ai étalé devant lui les chances d’une paix prochaine. Le mécontentement populaire qui couve dans tous les pays, qui vient d’éclater même en plein Reichstag, où des députés socialistes ont dénoncé « le massacre des masses », et crié leur exécration de la guerre. L’espoir, caressé depuis deux mois, d’une intervention roumaine, ou d’une volte-