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gloutonneries et toutes les ivresses ont pour terme la nausée. On se blase même d’acheter des châteaux, des bijoux, des meubles et des tableaux, car on ne fait qu’échanger des valeurs contre d’autres valeurs, que transformer son portefeuille. Et cependant, lorsqu’ils ont comblé tous leurs vœux, atteint toutes leurs bornes, lorsque leur désir n’a plus l’excuse du désir, ils continuent… Ils veulent le superflu du superflu. Leur démon les pousse, qui leur crie : « Davantage, davantage ! Encore, encore ! »

Et son désespoir indigné s’exaltant :

— Ils ressemblent, tenez, à leurs hauts fourneaux, à ces tours féodales dressées face à face le long des frontières, et dont il faut sans cesse, le jour, la nuit, emplir les entrailles dévorantes de minerai, de charbon, afin que ruisselle au bas la coulée de métal. Eux aussi, leur insatiable appétit exige qu’on jette au feu, sans relâche, dans la paix, dans la guerre, et toutes les richesses du sol, et tous les fruits du travail, et les hommes, oui, les hommes même, par troupeaux, par armées, tous, précipités pêle-mêle, dans la fournaise béante, afin que s’amassent à leurs pieds les lingots, encore plus de lingots, toujours plus de lingots… Oui, voilà bien leur emblème, leurs armes parlantes, à