Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

goisse de savoir si on le retrouverait vivant !

7 décembre 1915.

Je ne t’ai pas dit toute la vérité, mon pauvre confident de papier. J’ai rusé avec moi-même. Depuis que j’ai reçu la lettre de Paron, j’ai continué de n’en rien écrire, afin de me donner l’illusion de n’y pas penser. En réalité, elle me poursuit. Les hommes, les faits, m’apparaissent sous le jour dont elle les éclaire. Mais je me demandais toujours si cette lumière, qui les rend plus horribles encore, était bien celle de la vérité.

Aujourd’hui, j’ai revu Paron. Il venait d’inspecter les colonies de petits réfugiés qu’il a organisées dans le Centre et le Midi. Il semblait soulagé de m’avoir écrit. Il a voulu m’expliquer ses hésitations, ses scrupules. Je l’ai arrêté. Ne l’avais-je pas compris ? Certes, c’était pour lui une tâche ingrate, une responsabilité grave, de charger devant moi des hommes comme mon mari. Et ne s’exposait-il pas au soupçon de servir une vieille rancune, lui qui jadis avait souhaité de m’épouser et ne s’était effacé que