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de la classe 1917. Le général Galliéni, le ministre actuel, a demandé l’incorporation au 15 décembre. La commission de l’armée, au 15 février prochain. Vernon, comme tous les ministres civils de la guerre, est plus militaire qu’un militaire. Il exigeait qu’on obéît strictement à Galliéni, sans écouter la commission. Le docteur Daville est de ces vieillards qui ont gardé toute vive l’humiliation de 1870. Il est belliqueux. Mais il veut que les soldats ne perdent la vie que sur les champs de bataille. À l’entendre, ce serait folie d’encaserner au début de l’hiver des enfants qui n’ont pas tous dix-huit ans. Il adjurait pathétiquement Vernon d’obtenir la date la plus éloignée : « En cette saison, chaque quinzaine gagnée sauve des milliers d’existence. » Vernon trancha : « La caserne, c’est la santé. »

Pendant leur discussion, la crainte qui m’avait traversée au départ du fils Mitry s’est réveillée en moi : le tour de René va venir… Mais, aujourd’hui, cette crainte est tellement plus pressante et plus aiguë… À Pâques dernier, je m’effarais déjà qu’on les prît si jeunes : cette fois, ils ont à peine dix-huit ans. À Pâques, l’appel de la classe 1918, — celle de René — m’apparaissait lointain, nébuleux ; elle n’était