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« Alors, maîtresse de ce formidable instrument, elle s’en sert pour fabriquer l’opinion. Parfaitement. Et la tâche est facile. Car nous vivons juste dans un temps où la masse sait déjà lire et où elle ne sait pas encore réfléchir. Le lecteur ne discute pas « son journal ». Il le croit aveuglément. Pour lui, chaque article est un article de foi. Il l’avale les yeux fermés, comme l’hostie. Il l’assimile, il le mêle à sa propre substance. Et bientôt il prend ces idées suggérées pour des idées personnelles. Au sens fort du mot, il les adopte : elles sont ses filles. Bref, son journal pense pour lui, mais il croit penser par lui-même. Grâce à cette illusion, à cette crédulité, c’est un jeu, pour ceux qui tiennent la presse, de manœuvrer la masse.

« Maintenant nos maîtres — nos vrais maîtres — touchent leur but : disposant de la foule, ils disposent des hommes au pouvoir. Quiconque a vécu dans les coulisses de la politique sait bien que les gens en place sont animés avant tout du désir d’y rester, et les autres du désir de les supplanter. Ministres et ministrables ressemblent à de vieux collégiens qui jouent à chat perché. À la recherche d’une majorité nécessaire à leurs ambitions, les uns et les autres flairent le vent, scrutent les feuilles, écoutent la foule. Ils mur-