Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES « HAUTS FOURNEAUX »

card, le sénateur, imposant et lourd comme un buste ; sa femme, ce vieux gendarme déguisé en douairière ; leur fille, la sévère Madeleine, entre son mari, le banquier Delaplane et son chevalier servant, ce clairon de Villequier ; leur fils René, le morne époux de Colette Butat ; enfin, le petit père Butat, toujours si piètre et si poussiéreux, que nul ne devinerait en lui le directeur d’un des plus puissants journaux du monde, le Bonjour[1].

À cette époque-là, Pierre courtisait déjà Colette, la femme de René Foucard. Ses quarante-cinq ans n’avaient pas peur de cette belle jeunesse. À table, il faisait valoir et jouer ses avantages. Il déployait sa solide carrure ; il caressait les ondes courtes de ses cheveux bruns, à peine givrés aux tempes, sa moustache prestement relevée sur sa bouche gourmande. Et je voyais monter et s’allumer deux étincelles libertines dans ses yeux qui rient toujours. Il y a beau temps que je ne suis plus jalouse et que nous sommes devenus de simples camarades. Mais je sais si bien quand il entre en chasse…

Personne, autour de la table, ne doutait de

  1. Le journal le Bonjour, ainsi que les personnages du groupe Foucard, figurent dans l’Amour Opprimé, paru en 1914.